mercredi 20 novembre 2013

Que gagne-t on à perdre ses illusions ?

Que gagne-t on à perdre ses illusions ?

Dissertation d’ Angèle C., terminale ES

’’Est illusion le leurre qui persiste même quand on sait que l’objet supposé n’existe pas.’’ Kant dévoile ici la part de simulacre dans l’illusion en la qualifiant de ’’leurre’’. En effet, l’illusion, du latin ’’illudere’’, est une tromperie qui semble se jouer de nos sens, l’illusion sensible, ou de notre esprit, l’illusion intellectuelle. Proche de l’erreur, dans la mesure ou elle fait également intervenir un jugement erroné, elle s’en distingue également par la présence du désir qui la rend rebelle à toute réfutation rationnelle, c’est dans ce sens qu’elle ’’persiste’’. Ainsi la définition de Kant nous montre aussi sa racine indestructible. L’illusion est donc une image subjective de la réalité prise pour la réalité, c’est pour Platon une ’’ignorance redoublée’’, une ignorance qui s’ignore. Dans l’illusion nous serions donc victimes d’une puissance trompeuse qu’il faudrait vaincre. Mais comment alors perdre ses illusions, quelles armes sont en mon pouvoir pour faire face à ce voile qui s’entremet à mon insu entre mon esprit et la réalité ? Si l’illusion est considérée comme devant être dépassée malgré la difficulté que cela représente, quel en est l’intérêt, le gain que l’on peut en retirer ? La perte de nos représentations illusoires est-elle alors la condition de la vérité, de la lucidité, du bonheur, de la liberté ?
Cependant si dans l’illusion, nous sommes victimes, c’est bien souvent d’un piège que nous avons bâti nous mêmes. Pour Descartes, ’’nous conspirons avec nos illusions agréables pour en être plus longtemps abusés.’’. Il y aurait alors un aspect doux et chaleureux dans le monde illusoire qui vient, dans nos représentations, se substituer au réel en le rendant plus humain, moins dur. Faut-il vraiment alors systématiquement arracher toute illusion à l’homme ? A perdre ses illusions, est-on vraiment plus gagnant que perdant ? Est-ce à la portée de l’homme que perdre toutes ses illusions ?
Si d’un coté l’on considère que l’illusion est un mensonge qu’il nous convient de démasquer, et que de l’autre la perte totale d’illusions n’est pas forcément souhaitable, ni réellement possible, quel rapport devons nous entretenir avec ce leurre protecteur ? Comment prendre la mesure de nos illusions dans un souci de lucidité et d’authenticité qui ne soit pas contradictoire avec l’épanouissement de l’homme ?
Si l’illusion est dans un premier temps considérée comme une tromperie dont nous sommes victime car elle nous impose une vision erronée du monde ; il convient de la démasquer pour tendre vers la connaissance et la vérité.
Prenons d’abord les illusions des sens. Ce sont celles qui de la manière la plus évidente nous trompent, car ces illusions sont bien ’’réelles’’ ; elles obéissent à des lois d’organisation du champ perceptif tout aussi régulières que celles qui régissent notre perception dite ’’normale’’. Descartes, dans Les Méditations, montre cependant comment c’est par abus de langage que nous disons que nos sens nous trompent, et distingue l’illusion de l’erreur. L’erreur est un résultat de notre jugement, c’est à dire d’une activité de l’esprit. Or les sens sont passifs, et fournissent des informations qui, en elles-mêmes, ne sont ni vraies ni fausses. Si donc nous nous trompons, c’est que nous conduisons mal notre jugement. Un bâton plongé dans l’eau paraît effectivement brisé, mais si nous jugeons qu’il l’est, nous ne sommes pas victimes d’une illusion, mais responsables de notre erreur. L’illusion peut bien, si nous n’y prenons garde induire en erreur, mais elle n’est pas en elle-même une erreur. Notre raison et notre entendement sont donc des armes contre les illusions, puisque si nous en usons bien, par la même que l’erreur sera dépassée, l’illusion qui en était la source sera démasquée. C’est donc par la connaissances des lois physiques, de la science, que ce premier niveau de la connaissance qu’est la perception peut être expliquée. En effet la science, en cela qu’elle étudie le réel et se propose de l’expliquer, est un moyen de dépasser nos illusions. De plus la science amène à une glus grande connaissance, cette dernière ayant pour but de rendre présent à notre intelligence un objet en essayant d’en posséder la représentation la plus adéquate avec la réalité nous permet aussi de dépasser l’illusion. Le monde auparavant inexplicable devant lequel les hommes comblaient leur ignorance par des explications mythologiques ou bien par la religion qui explique à sa manière la genèse, ce monde devient alors un objet d’étude, un immense chantier à notre portée. Ainsi nous sommes portés dans notre rapport avec le réel vers une maitrise de la nature. C’est l’idée d’avancée technologique et de progrès qui s’oppose ici à la perception spontanée, irréfléchie et illusoire du monde.
Platon dans L’Allégorie de la Caverne montre notre condition première d’hommes plongés dans le monde matériel et visible : nous n’y voyons jamais que des reflets trompeurs, des images d’images du réel, que l’habitude nous fait prendre pour la réalité même. Ce monde là nous rend prisonniers des apparences. Pour Platon, le moyen d’atteindre des vérités supérieures, donc de dépasser nos illusions, est dans l’éducation philosophique. La nature des prisonniers ’’n’est pas éclairée par l’éducation’’, c’est pour cela que, n’ayant vu d’autre monde que celui de leurs représentations, ils croient spontanément avoir affaire au monde réel. Au delà de la caverne, c’est à dire du monde sensible, le monde du changement de la multiplicité et de la diversité, se situe le monde des Idées ou réside un savoir universel, intemporel et véritable. C’est vers ce monde des Idées et de la vérité qu’il faut tendre pour échapper aux illusions de la caverne et avoir une chance au bonheur qui réside dans la connaissance. L’arrachement au sensible et la montée vers l’intelligible constitue la mission de l’éducateur philosophique qui peut passer par la maïeutique ou l’art d’accoucher les idées, qui vise à purger l’âme des simulacres, des préjugés de la doxa, du pseudo-savoir qui empêche l’homme d’être à l’écoute de la vérité. L’éducateur philosophique est dans l’allégorie représenté par celui qui détache le prisonnier et le force à gravir ’’la montée rude et escarpée’’ qui mène au savoir. La maïeutique passe dans un premier temps par la prise de conscience de son ignorance, Socrate affirmait ’’la seul chose que je sache c’est que je ne sais rien.’’. C’est en cela une voie vers la perte d’illusions qui réside dans la prise de conscience d’une absence de conscience antérieure.
Si les illusions sont souvent considérées comme destinées à être dépasser, c’est aussi car elles s’apparentent à la figure du naïf évoquée par exemple par Voltaire dans son conte philosophique Candide. Candide représente la figure du naïf optimiste, de ’’l’imbécile heureux’’, qui vit dans l’illusion que ’’tout est bien dans le meilleur des mondes possibles’’ (Voltaire s’attaque à la théorie de l’optimiste revendiquée par des philosophes tels que Pope et Leibniz). A la suite de nombreuses mésaventures dans le cadre d’un voyage autour du monde, Candide prend conscience de l’ampleur du malheur sur Terre, des injustices, des horreurs : il se désillusionne. Sa vision infantile et naïve des réalités qui sont plus dures que les représentations qu’il s’en était faites (plus douces, agréables, rassurantes) se désagrège peu à peu. A la fin de sa ’’quête d’apprentissage’’, Candide devient l’exemple même de la sagesse lorsqu’il se résout à ’’cultiver son jardin’’ c’est à dire qu’il accepte le monde tel qu’il est tout en visant à son amélioration, qui loin d’être idéalisée est réalisable dans le domaine du possible, dans ’’son jardin’’, sa vie quotidienne, son intériorité. L’épreuve de la vie porte au désillusionnement et à la sagesse. Ce sont d’ailleurs souvent les plus jeunes qui ont le plus d’illusions et en général plus l’homme est confronté à la vie, plus il devient clairvoyant face à ce qui l’entoure. Peu à peu, le merveilleux et la vision enchantée du monde se dissipe grâce notamment à l’éducation et à l’expérience de la vie. C’est la figure du sage lucide qui s’oppose à l’enfant bercé d’illusions qui rejoint l’idée de Freud d’un ’’stade de l’infantilisme’’.
Plus que l’illusion d’un monde parfait et juste, Freud critique l’illusion religieuse. Il considère que Dieu a été inventé par l’homme pour se recréer une figure paternelle rassurante, pour apaiser l’angoisse de la mort par la possibilité d’un salut, pour apaiser l’angoisse qui découle de l’ignorance des hommes sur la création du monde et de la vie et à propos du sens de leur présence sur terre. Ce serait alors l’homme qui aurait créé Dieu à son image et non le contraire. Mais il souligne que ’’l’homme ne peut pas éternellement demeurer enfant’’ et qu’il doit se confronter à sa détresse, à sa petitesse dans l’ensemble de l’univers. Marx va dans le même sens en affirmant que la religion est ’’l’opium du peuple’’, qu’elle permet d’apporter une chaleur dans un monde cruel. Il prône l’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire et aliénant du peuple et exige son bonheur réel.
D’autre part, la perte de ses illusions, plus particulièrement celles affectives dans le domaine de la vie privée, mène à plus de liberté car elle signifie plus de lucidité, une meilleure compréhension générale de la société, de soi, d’autrui. Des meilleurs choix de vie sont alors possibles dans des conditions de lucidité et de compréhension de la situation dans laquelle nous nous trouvons, des possibilités qui nous sont offertes, des enjeux de notre choix et de ses conséquences. On peut penser que l’on se doit à soi-même de regarder les choses en face afin de prendre sa vie en main.
Ainsi, nous gagnons de la lucidité et la liberté qui en découle, une proximité majeure à la vérité, une vie plus ’’pied-à-terre’’. C’est d’autre part par la science, la raison, l’entendement, l’éducation et l’expérience que l’on démasque les illusions dont nous sommes victimes dans un souci authenticité. Mais sommes nous vraiment victimes de nos illusions ? Pour Descartes, ’’nous conspirons avec nos illusions agréables pour en être plus longtemps abusés’’, plus que leurs victimes nous serions alors leurs complices car nous nous en auto-convainquons. Mais si nous nous faisons les adjuvants de nos illusions, elles nous apportent forcément quelque chose. A vouloir perdre ses illusions, perdrait-on alors plus que l’on ne gagne ?
Dans un premier temps, la conscience aigüe de sa propre personne, de ceux qui nous sont chères et des sociétés humaines, le fait de voir la réalité en face, ses injustices, ses misères ne peuvent que nous attrister et nous rendre malheureux. En effet, la satisfaction éprouvée par ceux qui se réjouissent des malheurs des autres n’est pas un bonheur sain et elle s’apparente à la perversité. Par exemple, la vision extrême, celle des pessimistes, prône une lucidité suprême sur la condition humaine et affirme son absurdité fondamentale et son malheur radical.
Les illusions sont donc un voile protecteur face à la cruauté du monde. La perte des illusions peut alors avoir pour effet de ’’désenchanter le monde’’ selon la formule de Weber. On parle de désenchantement lorsqu’une réalité perd de son mystère et qu’il n’existe plus d’écart entre ce qu’elle est et la manière dont elle apparaît. Pour Weber, la modernisation se caractérise par le recul des croyances diverses, allant de la magie à la pratique religieuse. Ce désenchantement s’accompagne d’un processus appauvrissant par lequel l’homme se simplifie et finit par n’être plus qu’un maillon d’une longue chaine sociale sans identité propre ni valeurs à suivre.
Les illusions peuvent donc avoir du bon, la religion par exemple, véhicule des valeurs d’amour et de paix, et apaise la douleur des endeuillés en les rassurants sur le sort de leurs morts, leur promettant une autre vie, plus paisible et accueillante, leur assurant la rédemption. La religion est aussi porteuse de foi, et il est alors incorrect de concevoir la religion comme une aliénation due a une illusion. Ce en quoi on la foi n’est pas démontrable, mais exige un degré de confiance au moins égal à celui que produirait une démonstration. La foi est un engagement qui se veut lucide, c’est un comportement volontaire qui malgré le fait de savoir qu’il ne pourra jamais prouver l’existence de ce en quoi il a foi, décide d’y croire. En cela la foi est courage. C’est une croyance qui a conscience d’être croyance reposant sur des principes et des valeurs et engageant une décision de la volonté. C’est donc aussi l’expression de la liberté. De plus le fait de nier l’existence de Dieu est tout aussi probable d’être une illusion.
Ainsi l’on peut être amené à se demander si ceux qui prônent la perte de l’illusion au profit de la vérité ne seraient-ils pas victimes d’une nouvelle illusion ? La perte des illusions serait-elle l’illusion ultime ? Pour Nietzsche, ’’les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont’’. Notre représentation du monde est forcément illusoire, car elle dépend de notre entendement, de notre manière de voir les choses, de notre subjectivité. La thèse du relativisme affirme contrairement à Platon que la vérité est relative aux individus. Une connaissance absolue est impossible, illusoire. L’homme tout en se targuant de vaincre ses illusions, s’en créé de nouvelles. Il en va de même pour la foi dans le progrès qui est associé à une constante amélioration de la connaissance et de la maitrise de la nature ( progrès scientifique), des moeurs, de la politique, des arts (progrès de la civilisation), alors que la progrès peut aussi être négatif (lorsque la technologie atomique est mise au service de la bombe par exemple et plus généralement lorsque l’on ne se soucie pas de l’éthique pour envisager la mise en application de découvertes scientifiques) .
Si incapable de les perdre entièrement, l’homme remplace ses anciennes illusions par de nouvelles, c’est car il en a besoin pour vivre, si les illusions sont indispensables à la vie cela est du à la part de désir et d’espoir qu’elle comportent. Désirer et espérer, c’est d’abord inscrire son existence dans la durée puisqu’ils sont inséparables de la projection dans l’avenir. En effet le désir est doté d’intentionnalité, il introduit de l’imaginaire dans le réel. Lorsque le désir prend la forme d’un projet ou d’un rêve, il nous arrache au ’’ici et maintenant’’ de l’existence ponctuelle, il est tourné vers le futur. Il peut ainsi permettre le dépassement d’une situation difficile par exemple. L’homme est mû par ses rêves et ses illusions. Sans eux, qu’est-ce qui rattacherait l’homme à l’absurde existence ?
D’autre part, les illusions ont pour Nietzsche une très grande importance dans le processus de maturation d’un peuple ou d’un homme. Il affirme que ’’l’homme ne créé que (…) quand il baigne dans l’illusion de l’amour, c’est-à-dire qu’il croit de façon inconditionnée à quelque chose de juste et de parfait.’’ Le Candide déniaisé est pour Nietzsche un homme qui ne fera jamais rien de grand, qui ne se dépassera jamais, car la perte de ses illusions l’a ’’desséché’’ il est devenu ’’dur et stérile’’. Il est vrai que des illusions ont porté à de grandes réalisations, par exemple l’idée que la justice et l’égalité sont possibles sur Terre ont abouti à la démocratie qui est le moins imparfaits des systèmes politiques.
Si donc, comme nous l’avons montré théoriquement, les illusions sont néfastes et que nous gagnerions à nous en débarrasser, et d’autre part, les illusions ont une fonction vitale et apaisante, comment concrètement affronter cette question dans la pratique ? D’autre part, si une vision dépourvue d’illusions n’est possible que dans le monde des idées, ce qui impose à l’homme de s’isoler du monde et d’autrui et de dédier sa vie aux idées, alors que le rattachement au monde sensible et à la société implique forcément des illusions ; comment tendre vers la connaissance sans renoncer à sa nature d’animal social ? Il faut pouvoir tout à la fois se libérer des illusions négatives et se rattacher aux positives.
Les illusions négatives sont celles qui nous enlèvent une part de liberté et sont issues de discours trompeurs et manipulateurs. Par exemple les médias en sélectionnant l’information, font passer une vision de la réalité qui n’est pas neutre. On voit souvent comment les crimes ou délits commis par les immigrés sont beaucoup plus mis en valeur que ceux commis par des citoyens ’’de souche’’, et ceci encourage le racisme et le repli vers l’extrême droite car les individus auront l’illusion que la violence est uniquement le fait des étrangers qui ne sont rien d’autre qu’un élément perturbateur. Lorsque l’information est manipulée pour faire passer des messages politiques, la population qui subit l’illusion perd de sa liberté car ses actions et manières de penser seront influencés par cequ’ils lisent dans les journaux ou voient à la télé. C’est pour cela qu’il faut absolument veiller à l’indépendance des médias face aux détenteurs du pouvoir politique. Une autre illusion qui nous assujetti est celle que véhicule la publicité. Les techniques de communication et de marketing visent à créer des besoins inexistants aux individus afin de les pousser à consommer. La publicité fait passer l’illusion que le bonheur réside dans la possession, que l’on peut marquer son identité par rapport aux marques que l’on consomme. D’autres part, les stéréotypes véhiculés par ces publicité sde ce qui est beau et désirable sont souvent favorables aux classes dominantes. Les classes dominées sont donc amenées à croire que la classe dominante est une élite, un modèle qu’il faut imiter. Ainsi les marques montrent l’appartenance sociale d’un individu et donnent de l’importance à l’illusion qu’est l’apparence. Les classes dominées sont donc manipulées par des illusions pour que le prestige et le modèle à suivre demeure du camp des dominants. Des illusions transmises par les dirigeants politiques peuvent aussi manipuler le peuple. Par exemple, les dirigeants ont tout intérêt à donner l’illusion d’un quelconque menace sur la sécurité, à faire régner la peur. Ils peuvent ainsi se présenter en sauveurs et gagner l’adhésion du peuple. Il n’est pas anodin que les dirigeants mettent l’accent sur la délinquence au alentours des élections présidentielles et qu’il rabâchent ensuite un discours sécuritaire pour gagner des voix. Il en est de même lorsqu’un pays veut justifier une guerre, le gouvernement crée l’illusion d’une menace, par exemple celle que l’Irak détenait des armes de destructions massives, ou celle que les afghans sont tous des terroristes. Il faut faire attention à ne pas être abusés par ses illusions et se rendre compte qu’elles servent les intérêts d’autrui, ceux qui dans l’allégorie de la caverne seraient les marionnettistes qui mettent en scène la pseudo-réalité. Il faut perdre ces illusions quand elles sont un instrument de manipulation servant les intérêts de ceux qui les diffusent.
Les illusions positives doivent être considérées avec précaution : il faut pouvoir prendre de la distance par rapport à ce que l’on pense, ne jamais oublier qu’il est très facile de tomber dans l’illusion. Cependant les illusions sont positives lorsqu’elles procurent de la force, elles poussent l’individu à se réaliser par rapport à ses idées. Par exemple, lorsque l’on croit en une idéal, bien que la généralisation et la mise en place systématique de cette idéal soit illusoire car le monde ne sera jamais parfait, ceux qui savent que c’est une illusion mais la trouvent noble, pourront se battre pour elle. John Lennon qui dans sa chanson ’’Imagine’’, hymne à la paix, et dans son combat contre la guerre du Viet Nam, admet qu’il est un rêveur, mais c’est justement son rêve qui le pousse à agir, à s’engager, et à faire changer les choses. C’est le cas dans la croyance en un idéal ou une utopie qui pousse malgré les apparences à croire à un mieux possible.
En fait, plus généralement il est très difficile de distinguer les bonnes des mauvaises illusions. Une illusion peut avoir des conséquences positives ou négatives dépendant du contexte. La religion a permis à la fois la diffusion de valeurs de paix et d’amour mais aussi de nombreuses guerres de par le monde. Il est donc impossible de juger à priori de la valeur d’une illusion, mais il faut s’interroger sur ses conséquences et voir si elles sont en accord avec la morale. Il revient à chacun d’entre nous d’être prudent avec nos idées, de ne pas être fermé ou dogmatique dans sa vision du monde, et de choisir entre les illusions à éradiquer et celles que l’on préfère garder pour garder l’espoir tout en sachant que ce sont peut être des illusions mais que ce sont des illusions qui valent la peine d’être crues. A chacun de choisir ses illusions, mais à chacun la responsabilité d’en répondre.
Il s’agissait de savoir si l’on était plutôt gagnant ou perdant de se désillusionner. Nous avons vu que cela dépendait des cas. Si les illusions sont quelques fois trompeuses, c’est qu’elles nous voilent la réalité, orientent notre appréciation du monde, restreignent la libre décision de nos choix, et influencent nos jugements. En cela elle nous asservissent, et donnent du pouvoir à ceux qui les véhiculent. Elles nous gènent dans nos prises de décision et nos choix seront peut-être regrettables car non basés sur une connaissance juste et exacte de la situation dans la quelle on se trouve. Il faut donc être prudent, et ne pas croire naïvement à toute sorte de choses. Il faut bien se rendre compte que l’on est responsable de ce à quoi l’on croit et ne qu’il tient souvent qu’à nous de dépasser les illusions négatives en usant de la raison, de l’entendement, des sciences et de l’éducation notamment à la philosophie. Mais certaines illusions sont aussi une branche à laquelle nous nous raccrochons pour ne pas tomber dans le gouffre que représente parfois le monde cruel, hostile et indifférent. Il résulte parfois du désillusionnent une vision pessimiste du monde, plutôt qu’une réaliste, et ceci découle du fait de la fonction vitale de l’illusion. Lorsqu’elles ne sont pas par nature irréalisables ou hors de notre portée, lorsqu’elles s’inscrivent dans le domaine du possible, les illusions d’aujourd’hui sont peut être les réalités de demain. Ainsi les illusions qui nous donnent espoir nous rendent actifs, et parfois la force de volonté est assez grande pour que les ’’rêves deviennent réalité’’. Ces illusions nous poussent à accomplir de grandes choses, et nous rattachent à l’existence. Les illusions pouvant être un pont entre le présent et l’avenir, qui nous permettent d’envisager une existence pourvue de sens, celles qui nous poussent à nous réaliser et à nous épanouir, sont donc indispensables, et l’on ne gagne rien à les perdre sinon une vision désenchantée et cynique du monde. Il faut donc dans un premier temps faire le tri dans ses représentations de ce qui est susceptible d’être illusoire ou non, et dans un second temps,peser le pour et le contre pour abandonner celles qui valent mieux de l’être et conserver celles dans lesquelles l’on choisit volontairement de croire, avec l’exemple de la foi ou de l’idéal qui sont engagement.